
Maria Lvova-Belova, en mission "d'inspection panrusse", le 21 mars 2025 à Berdyansk. Photo DR
Blanc-seing ? Au lendemain de l'échange téléphonique entre Donald Trump et Vladimir Poutine, Maria Lvova-Belova est retournée dans les territoires occupés pour une "tournée d'inspection panrusse", vraisemblablement dans le but de préparer de nouvelles listes d'enfants "bons à déporter". Où ça ? La Fédération de Russie entretient sur ce point un mystère total. Nous avons au moins repéré un "sanatorium-clinique", en Crimée occupée, sous contrôle du ministère russe de la Défense, où les médecins (militaires) sont autorisés à se livrer à toutes sortes d'expérimentations sur des enfants (ukrainiens). Mengele pas mort ? Ce monstrueux programme génocidaire avait été plus ou moins mis en sourdine depuis le mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale contre Poutine et Lvova-Belova, le 17 mars 2023. Il semble aujourd'hui repartir de plus belle. Avec les encouragements de Donald Trump.
Ces derniers mois, depuis le mandat d'arrêt de la Cour Pénale Internationale, Maria Lvova-Belova, commissaire présidentielle aux droits de l'enfant (sic) de Vladimir Poutine, se tenait plus ou moins à carreau. Et là, changement de cap. Depuis que Donald Trump et Vladimir Poutine se sont bigophoné (et que Trump a réduit à néant le travail d'enquête du Human Laboratory Research de l'université de Yale), c'est à nouveau "open bar". Les déportations d'enfants ukrainiens en Russie vont pouvoir reprendre comme aux "beaux jours" de "l'opération militaire spéciale".
A peine Trump et Poutine avaient-ils raccroché, à peine Trump avait-il annihilé d'un trait de plume les travaux du laboratoire de recherche humanitaire de l'Université de Yale que, dès le lendemain, Maria Lvova-Belova, la "poutinasse rafleuse d'enfants" sur qui nous avons été les premiers à attirer l'attention (ICI) , flanquée de son jeune assistant néo-nazi payé directement par le milliardaire fasciste Konstantin Malofeïev (nouvel époux de Lvova-Belova, celui-là même qui a grassement financé toute la sphère néo-fasciste européenne), s'est précipitée dans les territoires occupés (région de Kherson, Louhansk, Donetsk, Zaporijjia), pour établir avec les "gouverneurs régionaux" de nouvelles listes d'enfants à déporter. Même l'agence Tass s'en vante, naturellement sous couvert de "mission humanitaire" : il s'agit d'envoyer ces enfants dans des "camps de rééducation" ou dans des "sanatoriums"... d'où ils ne sortiront peut-être jamais.
Mercredi 19 mars, Maria Lvova-Belova arrive à Louhansk. Elle écrit, sur son compte Telegram : « Nous rendrons visite à des familles dont les enfants ont besoin de soutien et apporterons une aide humanitaire ciblée. Nous nous pencherons sur le centre pour adolescents qui a récemment été ouvert ici et sur d'autres institutions de la région. » Elle ajoute : « Le sujet principal, bien sûr, est l'inspection panrusse » (en russe, "Всероссийская инспекция").
Selon le gouvernement russe, « l'objectif de l'Inspection panrusse est d'évaluer le système de prévention de l'orphelinat social aux niveaux fédéral, régional et municipal pour vérifier sa conformité avec la législation en vigueur, les politiques axées sur la famille et les meilleures pratiques en matière d'application de la loi ».
L’adjectif "panrusse" signifie : qui concerne ou englobe la Russie dans son intégralité ou l'ensemble de ses composantes ». Le choix de ce mot n’est pas fortuit : il fait référence au Front populaire panrusse (en russe : "Общероссийский народный фронт, Obchtcherossiski narodni front", abrégé ONF), un mouvement mis en place en 2011 par Vladimir Poutine, alors Premier ministre, dans le but de fournir « de nouvelles idées, de nouvelles suggestions et de nouveaux visages » au parti au pouvoir Russie unie. Ce front est censé être une coalition entre le parti au pouvoir et de nombreuses organisations non gouvernementales.
Comme on va le voir, Maria Lvova-Belova agit avec une double casquette : officiellement, en tant que commissaire présidentielle aux droits de l’enfant (d’où cette « inspection panrusse »), mais aussi, et simultanément, avec plusieurs organisations qu’elle contrôle à titre privé (et d’où elle tire de substantiels revenus personnels), qui permettent de contourner la législation russe. Ces différentes organisations ont été particulièrement actives, dès février 2022, dans tout le processus de déportations d’enfants ukrainiens.
A gauche : le parc Gorki, à Louhansk, sur les rives de la Rivière Lugan. A l'extrême est de l'Ukraine, la région de Louhansk, occupée par les forces russes depuis 2014.

En arrivant à Louhansk, le 19 mars, Lvova-Belova participe à une réunion de travail (photo ci-contre) avec Leonid Passetchnik, le chef de la "République populaire de Loughansk", mentionné dans le dernier rapport-enquête de l'association Pour l'Ukraine, pour leur liberté et la nôtre transmis à la Cour pénale internationale, comme l'un des principaux responsables des déportations d'enfants à partir de février 2022.
Sur la photo, à droite de Maria Lvova-Belova, on distingue la présence de son bras droit à l'organisation "Des enfants entre les mains", Alexeï Alexievitch Petrov. Comme nous l'avons déjà écrit le 11 mars 2023 (ICI), ce charmant jeune homme avait créé un compte Skype sous le pseudo "wotan_jugend8989", qui fait référence à une organisation russe ouvertement néo-nazie, Wotanjugend, qui proclame la philosophie et les idées fascistes du Troisième Reich et défend la ségrégation raciale, sur laquelle avait enquêté Bellingcat en 2019, et qui a des accointances avec le milliardaire ultra-nationaliste (fasciste, pour tout dire) Konstantin Malofeïev, avec qui Maria Lvova-Belova s'est remariée le 9 septembre 2024.

En tête à tête avec Passetchnik (capture d'écran ci-contre), Lvova-Belova parle notamment « de la vie des orphelins pris en charge par des familles d'accueil de différentes régions du pays » : en clair, des enfants déportés et illégalement "adoptés" aux quatre coins de la Fédération de Russie. On sait par ailleurs que sont qualifiés "d'orphelins" des enfants dont les parents ont été déchus de leurs droits parentaux (notamment s'ils sont récalcitrants à l'occupation russe). Et Lvova-Belova ajoute : « la première étape consiste à créer une commission sur la justification du placement des enfants institution ». En clair : donner une apparence de "légalité" au rapt.
Dans l'après-midi, elle se rend au "foyer républicain pour enfants" de Louhansk (photos ci-dessus) : « Nous avons trié les dossiers personnels des enfants. Dans certains cas, nous pouvons les aider à retourner dans leur famille ». Elle s'occupe vraiment de tout ! Le suivi fera l'objet d'un contrôle politique sous la surveillance d'Inna Shvenk (à gauche de Lvova-Belova, sur la photo ci-dessus à gauche), commissaire régionale aux droits de l'enfant (sic). Elle est depuis février 2024 sur une liste de sanctions de l'Union européenne : « Inna Shvenk est l’une des personnes les plus impliquées dans la déportation illégale d’enfants ukrainiens vers la Russie et dans leur adoption par des familles russes. Par ses actes, Inna Shvenk viole les droits des enfants ukrainiens et enfreint le droit et l’ordre administratif ukrainiens » (UE) 2024/753 du 23/02/2024 (UE Ukraine intégrité territoriale - R (UE) 269/2014).
A Louhansk, Lvova-Belova continue sa petite tournée d'inspection (captures d'écran ci-dessus) dans un centre pour adolescents, "Пионер" ("Pionnier"), placé sous l'égide du "Mouvement des Premiers" ("Движения Первых"), une organisation panrusse créée en juillet 2022 « pour l'éducation, l'organisation des loisirs des adolescents et la formation d'une vision du monde basée sur les valeurs spirituelles et morales traditionnelles russes ». Le chef d'état major Artur Orlov, qui s'est "illustré" en commandant un bataillon russe en Syrie, a été nommé en septembre 2024 par Poutine à la présidence du conseil d'administration du "Mouvement des Premiers".
A gauche : le chef d'état major Artur Orlov, président du "Mouvement des Premiers" : photos au centre et à droite.
Dans les territoires ukrainiens occupés et annexés par la Russie, le "Mouvement des Premiers" (notamment financé par l'oligarque Vladimir Potanine) est l'un des principaux fers de lance de la russification et de l'endoctrinement patriotico-militaire des adolescents. Le centre de Louhansk a été édifié grâce au soutien financier de la Fondation Saint-Basile-le-Grand, créée par l’Église orthodoxe russe mais dont le conseil d'administration est présidé par le milliardaire fasciste Konstantin Malofeïev (encore lui !), que des journalistes russes avaient identifié dès 2014 comme principal "sponsor" des mouvements terroristes séparatistes qui ont semé le chaos dans le Donbass. La grande mansuétude de Malofeïev ne s'arrête pas à l'Ukraine. Avec cette même Fondation Saint-Basile-le-Grand, il a copieusement arrosé de nombreux mouvements nationalistes radicaux en Europe. En France, il a financé, à hauteur de 2 millions d'euros, la campagne électorale du Front national en 2014. Il a été en outre l'un des grands argentiers du "Dialogue franco-russe" de Thierry Mariani, présentement député européen du Rassemblement national.
Avant de quitter la région de Louhansk, la très pieuse Maria Lvova-Belova va encore, en fin d'après-midi, se recueillir à Perevalsk (vidéo ci-dessus), où un internat d'enfants va prochainement bénéficier d'un temple "en l'honneur du saint juste Siméon l'Hospitalier et d'Anne la Prophétesse" ; temple qui sera édifié grâce au "fonds Tsargrad" de... Konstantin Malofeïev ! Vraiment un saint homme...

Le lendemain, 20 mars, Lvova-Belova se rend à Donetsk où elle rencontre, comme il se doit, le chef de la région annexée, Denis Pouchiline (photo ci-contre). Programme annoncé : « nous visiterons les institutions où vivent les enfants et examinerons les dossiers personnels ».
Sur son compte Telegram, elle se vante de ce que 127 enfants aient été "envoyés en cure thermale", mais surtout que 1.346 enfants de la "république de Donetsk" aient participé aux programmes du "Jour d'après" ("Послезавтра") : des "camps de loisirs" (dans toute la Russie, y compris en Tchétchénie, mais aussi en Biélorussie) dont les chercheurs du Human Laboratry Research de l'Université de Yale ont montré qu'ils étaient l'antichambre du programme de déportations et de "rééducation" / russification forcée. Donald Trump ayant décidé de liquider d'un trait de plume ce laboratoire de l'Université de Yale, qui a produit trois rapports conséquents qui ont nourri le travail de la Cour Pénale Internationale, Lvova-Belova peut désormais se sentir les coudées franches pour poursuivre sa besogne génocidaire.
A cette fin, deux nouveaux "centres de jeunesse" viennent d'être ouverts à Makeyevka et Marioupol. Un bon vivier : 500 enfants y sont placés en "institutions". Ils pourront "bénéficier" en priorité du projet "Puissance de la Russie", un programme d'endoctrinement, là encore en partenariat avec le "Mouvement des Premiers", qui a d'abord été expérimenté en Tchétchénie (voir ci-dessous). En clair : il s'agit de commencer à former les prochains bataillons de l'armée de Poutine, lorsque l'Ukraine ne lui suffira plus.

Maria Lvova-Belova, en septembre 2023 en Tchétchénie, lors d'un des premiers camps de jeunesse "Puissance de la Russie" : "Ici, nous avons vu des hommes - et même des femmes - qui sont occupés, impliqués dans des activités intéressantes. Ils montent et démontent des fusils automatiques, apprennent à tirer, prodiguent les premiers soins. Il y a ici une technologie étonnante qui est en marche. Ce sont toutes les dernières technologies qui permettent aux garçons de s'essayer comme de vrais hommes. Nous comprenons qu'il s'agit d'une éducation militaire et patriotique ».
Le vendredi 21 mars, Maria Lvova-Belova arrive en avion militaire dans la région de Kherson (vidéo ci-dessous).
Avant de rencontrer le gouverneur régional, Vladimir Saldo (qui a été maire de Kherson de 2006 à 2012, un mandat marqué par de nombreux scandales de détournements de fonds et de corruption), Lvova-Belova fait halte dans le village de Voskresenkoye pour y inspecter le futur bâtiment de la "maison d'enfants régionale" de Kherson. 479 enfants de la région de Kherson ont d'ores et déjà participé aux camps du "Jour d'après".
De là, Lvova-Belova est allée inspecter un centre pour enfants qui vient d'ouvrir à Melitopol, dans la région de Zaporijjia. Sur son compte Telegram, elle annonce qu'en accord avec Vladimir Poutine, « l'introduction de l'évaluation comportementale » pourrait être testée prochainement dans les écoles des "nouvelles régions".

Selon le Centre de résistance ukrainienne, le but véritable de la visite de Lvova-Belova dans les territoires occupés est d'établir, avec la collaboration des autorités locales installées par Moscou, « de nouvelles listes pour le déplacement forcé d'enfants vers la Russie : chacune de ses visites à Donetsk donne lieu à l'enlèvement de dizaines d'enfants ukrainiens. Les enfants sont simplement remis, en vertu du "code de tutelle", à des citoyens de la Fédération de Russie, après quoi on ne sait plus où ils se trouvent ».
C'est évidemment un tout autre son de cloche que fait entendre l'agence Tass : « le siège de la médiatrice des enfants dans la République populaire de Donetsk a distribué de l'aide humanitaire à près de 3,3 mille enfants depuis 2022. (...) 127 enfants atteints de diverses maladies ont été envoyés dans des sanatoriums pour y être soignés ».
En Crimée, un « site expérimental » où les médecins (militaires) sont autorisés à toutes sortes d'expérimentations sur les enfants (ukrainiens)
Curieusement, la propagande russe, qui ne manque jamais une occasion de vanter les missions "humanitaires" conduites par Maria Lvova-Belva, n'a jamais montré à quoi ressemblent ces "sanatoriums". Lvova-Belova elle-même, si prompte à se mettre en scène, sur son compte Telegram, au chevet de la veuve et de l'orphelin, n'en parle jamais dans le détail. Ce que l'on sait, ou croit savoir, c'est que la plupart de ces "sanatoriums" sont localisés respectivement en Crimée et en Biélorussie. Il y a visiblement deux catégories d'établissements. Les sanatoriums de "première classe", comme le « sanatorium clinique militaire pour enfants E.P. Glinka du ministère russe de la défense » à Eupatoria, ville portuaire de Crimée, qui est présenté comme un « site expérimental » où les médecins (militaires) sont autorisés à toutes sortes d'expérimentations sur les enfants (ukrainiens), notamment en termes de "troubles cognitifs" et autres "psycho-pathologies". Y a-t-il parmi eux, un nouveau Josef Mengele ? Seule une inspection de l'UNICEF ou de la Croix Rouge Internationale permettrait d'en avoir le cœur net. Accès que refuse catégoriquement la Fédération de Russie. Y aurait-il quelque chose à cacher ? (Cette "clinique" porte le nom d'Elisaveta Petrovna Glinka, alias "Docteur Lisa", décédée le 25 décembre 2016 dans le crash d'un avion militaire russe qui la conduisait en Syrie ; elle a initié, dès 2014, des déportations d'enfants du Donbass en Russie).
Et puis, il y a le tout-venant : les sanatoriums "bas de gamme". En avril 2023, nous en avions repéré certains en Crimée occupée que le site d’investigation ukrainien krymr.com qualifiait de « goulags pour enfants » (ICI). En janvier 2023, nous avions en outre pu retrouver la trace d'enfants volés dans un orphelinat de la région de Kherson, et localiser leur présence au sein d'un orphelinat de Simferopol (en Crimée) qui avait défrayé la chronique en 2020, la presse russe lui ayant même donné le surnom de « Auschwitz pour enfants » (ICI). Cet "orphelinat" s'appelait (et s'appelle toujours) "Елочка" ("Arbre de Noël"). Malgré l'ampleur du scandale, tant étaient nombreux les témoignes de mauvais traitements, malnutrition, etc., il a fallu trois ans à l'inspection du ministère russe de la Santé pour licencier (le 12 mai 2023) Alexander Vasyukov, le médecin-chef de l'établissement. Depuis, les choses ont-elles changé ? Impossible de le savoir : il n'y a plus aucune mention de cet orphelinat "Елочка" dans la presse russe... Et les "lanceuses d'alertes" qui y travaillaient et avaient contribué à faire connaître le scandale ont été virées, bien avant le médecin-chef...
Une chose est sûre. Comme l'indique un nouveau rapport du Bureau des droits de l'homme des Nations unies, diffusé le 21 mars, la Russie a infligé des souffrances inimaginables à des millions d'enfants ukrainiens et a violé leurs droits depuis le début de l'invasion en février 2022 : « Leurs droits ont été bafoués dans tous les aspects de la vie, laissant de profondes cicatrices, à la fois physiques et psychosociales », a commenté le chef du Bureau des droits de l'homme des Nations Unies, Volker Turk, qui recense exécutions sommaires (cinq garçons et deux filles, en 2022 et 2023), détentions arbitraires, violences sexuelles, tortures et mauvais traitements, sans parler du véritable lavage de cerveau auquel sont soumis les enfants et adolescents dont les parents n'ont pas voulu, ou pas pu, fuir les territoires occupés.

Dans les territoires occupés, une propagande incessante. Image Reporters sans frontières
Une jeune et courageuse journaliste ukrainienne, Victoria Roshchyna, qui enquêtait sur ces crimes de guerre en territoires occupés, a été arrêtée en août 2023. Après plus d'un an de détention, sans le moindre procès, et d'affreuses tortures qui ont détérioré son état de santé, elle est décédée le 27 septembre 2024. En France, nous avons quasiment été les seuls (avec TV5 Monde, RFI, France info et le Huffington Post) à évoquer son calvaire et à lui rendre hommage (ICI). Il est quasiment impossible de savoir précisément ce qui se passe dans les territoires contrôlés par la Russie. « Dix ans après les “référendums” du 11 mai 2014 orchestrés par la Russie pour proclamer “l’indépendance” d’une partie des régions de l’est de l’Ukraine, les médias indépendants ont disparu au profit de ceux relayant le narratif du Kremlin. Les journalistes qui refusent de collaborer sont menacés et arrêtés, beaucoup ont choisi de quitter les territoires occupés », écrit Jeanne Cavelier, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de Reporters sans frontières, qui dénonce un anéantissement total de l’information indépendante (Lire ICI).
Donald Trump a supprimé les radios Voice of America et Radio Free Europe/Radio Liberty (dont un journaliste, Stanislav Asseïev, a été torturé et détenu "pour espionnage" pendant plus de deux ans), qui parvenaient encore à glaner quelques informations. Le message est clair. Après avoir signé (début février) un décret qui rend passible de poursuites toute personne considérée comme ayant apporté leur aide aux travaux d'enquête de la Cour pénale internationale, après avoir annoncé le retrait des Etats-Unis du Centre international pour la poursuite des crimes d’agression (ICPA) contre l’Ukraine ; et en fermant sans appel le laboratoire de recherche humanitaire de l'université de Yale, qui a révélé l'ampleur de la déportation russe d'enfants des zones occupées de l'Ukraine, et qui suivait activement la localisation de milliers d'enfants en Russie. La précieuse base de données constituée par les chercheurs de ce laboratoire semble avoir été promptement effacée par l'administration Trump, détruisant ainsi des preuves de crime de guerre. (Lire ci-dessous, en PDF, "Le scandale Trump-Musk sur les enfants ukrainiens enlevés par la Russie vient de s'aggraver", article de The New Republic traduit en français par Maria Damcheva pour les humanités).
Tout laisse à penser que lors de leur échange téléphonique, le 18 mars, Donald Trump a donné blanc-seing à Vladimir Poutine pour que soient poursuivis en Ukraine occupée les crimes de guerre, à commencer par les déportations d'enfants. Dès le lendemain, Maria Lvova-Belova, qui dit elle-même qu'elle est « les yeux et les mains de Vladimir Poutine » (lire ci-dessous) était en tournée "d'inspection panrusse". On sait hélas ce que ça veut dire.
Jean-Marc Adolphe
Complément d'enquête
Maria Lvova-Belova :
« je suis les yeux et les mains de Vladimir Vladimirovitch [Poutine] »
Le 16 mars, quelques jours avant de se rendre dans le Donbass, Maria Lova-Belova donnait une interview (dans un lieu non identifié) à une "journaliste" - bloggueuse, Lilia Abramova. Extrait commenté ci-dessous.
Lilia Abramova (*) dit à Maria Lvova-Belova : « vous êtes la commissaire la plus importante de l'administration présidentielle. Mais s'il fallait trouver un autre titre que "commissaire" ? »
Lvova Belova répond : « Ce n'est pas un poste. Je suis une mère. La position maternelle excède la fonction administrative. Nous avons échangé à ce sujet avec Vladimir Valadimorovitch [Poutine], je suis ses mains et ses yeux... Il y a des moments, quand ce n'est pas possible administrativement, mon devoir est de changer le protocole, et Vladimir Vladimirovitch m'accorde cela. »
(remerciements à Kseniya Kravtsova pour la traduction).
La "journaliste" Lilia Abramova. Photo issues de son compte Instagram
(*) - Lilia Abramova, alias"Moustafina" sur le réseau social VK, est née le 17 décembre 1969 à Tachkent. Son papa était vice-ministre de l'éducation de la république soviétique d'Ouzbékistan. Entre ses 4 ans et ses 11 ans, elle a étudié à l'Académie supérieure de danse, puis au département d'art dramatique du théâtre et de l'institut artistique Alexander Ostrovsky à Tachkent. Mais la danse et le théâtre, ça rapporte que dalle. Elle s'est alors inscrite à la "Maison de la mode républicaine", où elle a commencé une carrière de mannequin, avant d'ouvrir sa propre agence (qui proposait aussi des services "d'escort girl", faut bien vivre). En 1999, elle s'installe à Moscou, où elle se met à enseigner "la souillure" (traduction incertaine, en russe "дефиле", la "plasticité" et la chorégraphie. Elle commence à animer un blog en 2017 où elle poste des vidéos "glamour", dont le succès (plus de 3 millions de vues) attire l'attention du FSB, qui l'a alors recrutée comme "journaliste"-influenceuse. Faut bien vivre...
Dernière minute : Roses d'acier

Ce dimanche 23 mars à 18 h 22, Maria Lvova-Belova poste sur son compte Telegram une photo on ne peut plus "glamour" (ci-dessus) avec son nouveau mari, le milliardaire Konstantin Malofeïev, responsable par le soutien qu'il a apporté dès 2014 aux mouvements nationalistes-terroristes téléguidés par la Russie dans le Donbass, de milliers de morts.
Elle écrit en légende : « Donetsk est la ville des roses d'acier ! Le Donbass est un lieu sacré pour le pays tout entier et pour notre famille. À la fin d'un voyage missionnaire dans les nouvelles régions, j'ai retrouvé mon mari à Donetsk. Nous avons chacun notre propre ministère ici : j'aide les enfants et les familles, et il aide l'Union des volontaires du Donbass ».
Parce que vous le valez bien, les humanités ce n'est pas pareil. Nous avons fait le choix d'un site entièrement gratuit, sans publicité, qui ne dépend que de l'engagement de nos lecteurs. Depuis août 2022, nous avons révélé et documenté sans relâche les déportations d'enfants ukrainiens en Russie.
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Merci pour ce chapitre qui malheureusement reprend de plus belle depuis que l'autocrate de l'Ouest, Far-West, a retrouvé son ami vp!