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Aux Ulis, le méga data center de Colt France, détenu par le gestionnaire d'actifs américains Fidelity. Photo DR
ÉDITORIAL Avant le Sommet mondial sur l'intelligence artificielle, convoqué à Paris ces 10 et 11 février, un édito qui brûle...
Demain, ils seront tous là, ou presque. Le vice-président fasciste américain JD Vance et Sam Altman (ChatGPT), Olaf Scholz et Ursula von der Leyden pour faire la réclame de la « boussole de la compétitivité », Narendra Modi et Sundar Pichai, le directeur général de Google, les Chinois et les Émiratis (à Abu Dhabi a ouvert en 2019 l’université Mohammed ben Zayed, la première au monde entièrement dédiée à l’IA), les jeunes loups de la facho-tech et les vieux briscards de Dassault Systèmes, etc. Il n’y aura cependant ni Africains, ni Latino-Américains. C’est normal, ils comptent pour du beurre.
Ce sera une sorte de Forum de Davos sur l'IA, organisé par Emmanuel Macron himself qui va annoncer, en grande pompe, la prochaine ouverture en France de 35 nouveaux méga-data centers, livrés « clés en mains » (en clair, ça veut dire que nos impôts paient l’aménagement des sites pour que multinationales et start-up puissent venir ensuite y faire leur beurre, quasiment sans rien reverser à l’État ; c'est une version moderne de "l’État-providence"). Après la Seine Saint-Denis, l’Essonne est appelée à être le nouvel Eldorado de ces data centers XXL. On attend ainsi l’américain CloudHQ à Lisses (8.000 habitants), ou encore à Villebon-sur-Yvette (10.000 habitants), le gestionnaire d’actifs Fidelity, lui aussi américain, déjà présent aux Ulis, etc.
Les implantations pourraient prendre un peu de temps. Car ces data centers, particulièrement voraces en eau et en énergie, doivent être directement raccordés à des lignes à très haute tension, et même RTE (Réseau de Transport d’Électricité) a du mal à suivre le courant, si l'on peut dire. Mais bon, qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse…
Les data centers occupaient jusqu’à présent 2 à 3 hectares de terrain. On parle désormais de data centers hyperscale (1) qui nécessitent une surface au sol de 15 hectares ou plus. Tant pis pour les terres agricoles… Au fait, les données, ça se mange ?
On oubliera au passage les recommandations gouvernementales en matière de non-artificialisation des sols. Idem pour l’Accord de Paris sur le climat, qui prendra la direction de la broyeuse à papier, tant l’impact de ces gigafactories sur le réchauffement climatique de la planète est considérable. Grâce à toute cette armée de data centers, le pergélisol sibérien va fondre encore plus vite qu’il ne fond déjà, libérant dans l’atmosphère des quantités phénoménales de gaz carbonique et de méthane, permettant ainsi aux Américains, Chinois et Russes, d’aller joyeusement violer l’océan Arctique pour y chercher les terres rares qui alimenteront les prochains data centers, etc., jusqu'à plus soif.
Avec ou sans GIEC, à vue de nez, ça laisse un répit de 15 à 20 ans avant que la planète ne s’étouffe littéralement. Hors, l’investissement dans ces méga-data centers ne sera éventuellement amorti que dans 20 à 50 ans. D’où cette question bêtement collégienne : le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ?
La seule solution, car solution il y a, serait de créer une instance mondialement planétaire qui régulerait l’exploitation et la distribution équitable des ressources disponibles, et déciderait, en responsabilité, d’autoriser certaines applications où l’intelligence artificielle pourrait être utile à l’humanité tout entière (il y en a, à n’en pas douter), et prohiberait toutes celles qui seraient superflues ou inessentielles.
Évidemment, tant que c’est compétition (aux Jeux Olympiques de la liquidation de la planète, qui empochera la médaille d’or ?), on est loin d’un tel objectif utopique. En France, par exemple, on a perdu Albert, corps et biens. C’est qui, Albert ? C’est le nom d’un modèle open source mis au point par les équipes de la direction interministérielle du Numérique (Dinum) pour introduire en douceur l’IA dans les usages au quotidien des services public. Eh bien, un jour, entre 4 h et 5 h du matin (c’est l’heure où il travaille le plus, sans être embarrassé de "conseillers"), Emmanuel Macron a décidé qu’Albert, ça suffisait bien comme ça. Pour accélérer le mouvement, et convertir 5,7 millions d’agents de la fonction publique aux vertus de l’IA, il a décidé de lancer le "Chat GPT du service public", obligeant le secteur public (ministères y compris) à sceller des contrats avec des opérateurs privés, français (Mistral) ou pas. Moyennant quoi, demain, Jupiter osera sans doute parler de « souveraineté ».
Jean-Marc Adolphe
(1). Cette approche consiste à permettre aux centres informatiques de prendre en charge des milliers de serveurs virtuels1, et adopter les outils permettant d'adapter rapidement les ressources processeur, mémoire et stockage aux besoins des applications.
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Ce 10 février après-midi, à l’initiative du philosophe Eric Sadin et du journaliste Eric Barbier, référent IA au Syndicat national des journalistes, se tient un « contre-sommet de l’IA. Pour un humanisme de notre temps ». Les humanités y seront, et rendront compte.
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C'est drôle tout de même, pour l'IA il ne semble y avoir aucune limite financière et l'état dépense sans compter. Personne ne trouve à y redire. Pourtant il me semble que l'argent est chiche autre part, étrange...