
« Une découverte extraordinaire » : l'équipe ayant conduit les fouilles sur le site d'un « woodhenge » dans le Jutland,
au Nord du Danemark, avec la simulation de l'emplacement des poteaux. © Vesthimmerlands Museums
A l'époque, il n'y avait pourtant pas Internet ! Une récente découverte archéologique, au Danemark, vient indiquer qu'à l'époque du Néolithique, il y a près de 4.000 ans, des échanges culturels, et cultuels, ont pu relier des populations pourtant fort éloignées les unes des autres.
Au nord de la péninsule du Jutland au Danemark, une découverte archéologique confirme les échanges sur de grandes distances entre les populations du Néolithique. Dans le Vesthimmerland, des fouilles viennent de révéler la présence de trous dans le sol placés à environ 2 mètres les uns des autres et qui forment un cercle d'environ 30 mètres de diamètre, marquant la présence de 45 poteaux de bois ainsi dressés, il y a près de 4.000 ans (entre 2.600 et 1.600 avant J.-C.).
« Cette découverte est un témoignage précieux des rituels et des structures sociales de la fin du Néolithique et du début de l'âge du bronze. Elle est particulièrement intéressante en raison de son lien avec des sites similaires en Angleterre et en Europe continentale », dit Sidsel Wåhlin, conservatrice au musée de Vesthimmerland. Elle ajoute que l'on cherche maintenant « à savoir s'il existe un cercle intérieur à l'intérieur de la structure, comme celui de Stonehenge. »
Ces structures pourraient avoir été des lieux de rassemblement pour les premières communautés agricoles autour de leurs croyances communes. Ont-elles servi à des cérémonies ou des rituels, ou encore à des observations astronomiques ? Les chercheurs pensent que ce woodhenge (1), en lien avec les cercles qui existent en Grande-Bretagne, en Irlande, en Allemagne du Nord, ou encore en Bretagne (cromlec'hs), pourrait une nouvelle fois mettre en lumière les relations entre les cultures néolithiques, le partage de croyances religieuses ou culturelles par des communautés vivant à travers l'Europe.

L'intérieur du "Sanctuaire du Ring" à Poemmelte, en Allemagne. Photo : Shutterstock / Sina Ettmer Photography
Ces structures sont souvent liées au culte du soleil et à des rituels agricoles : leur agencement inscrit en un lieu les liens entre la terre et le ciel, repère des points de lever et de coucher du soleil, de la lune, la position des planètes et des étoiles, associe dans le paysage alentour des moments singuliers du calendrier. On imagine que ces agencements répondaient à des critères d’orientation astronomique, permettant de mesurer le temps et le retour des saisons, ou même de prévoir les éclipses. Sur terre, pour cette civilisation agricole du Néolithique, l'événement le plus important était sans doute le coucher du soleil au solstice d'hiver, à la fin de la journée la plus courte de l'année, alors qu'on faisait une pause dans les travaux des champs, dans l'attente de la germination des graines semées à l'automne ; pour la communauté, un temps bien différent du solstice d'été, plein de lumière et de mûrissement des végétaux.
Notre imagination réactive toutes ces croyances et ces savoirs anciens, mais ils nous restent largement mystérieux. Ce qui fascine aussi, c’est le partage de cultures apparentées malgré l’éloignement, ce que montre justement cette découverte au Danemark, dans sa ressemblance et sa différence avec le célèbre Stonehenge.

La "pierre d'autel" à Stonehenge (Salisbury, Angleterre). Photo Francesco Bandarin pour l'UNESCO
Stonehenge, au sud de l’Angleterre, édifié en plusieurs étapes depuis 5.000 ans (soit 3.000 ans avant J.-C.), constitue "la" référence. L’archéologie et la géologie ont très récemment confirmé les liens effectifs entre les établissements humains, témoignant de leurs échanges lointains. Stonehenge est principalement constitué de deux cercles de pierres : le cercle intérieur est formé de pierres bleues, qui viennent de loin, même de très loin. Des géologues ont prouvé que la pierre principale, pierre couchée appelée "pierre d’autel" et qui pèse six tonnes, provient du nord de l’Écosse (ICI) : elle aurait été transportée par la mer sur 1000 kilomètres en longeant le littoral. La culture néolithique n'était donc pas que sédentaire (ICI).
La diversité et l'éloignement des provenances de ces pierres, quelques siècles après la première édification de Stonehenge, donnent à penser : cette nouvelle implantation manifesterait précisément un symbole d'unité entre des communautés vivant sur différents territoires de Grande-Bretagne. Une unité avec la terre, le ciel, les ancêtres. Un geste politique, en quelque sorte, de reconnaissance commune d'un au-delà, distance et parenté de cultures entremêlant dimensions matérielles et spirituelles. Et peut-être aussi de différenciation devant de nouveaux arrivants sur l'île : mais ceci, c'est une autre histoire.
Isabelle Favre
NOTES
(1) Le Woodhenge anglais est un "cercle de bois" implanté vers 2500 avant J.-C., situé à seulement 3 km au nord-est de Stonehenge. Il se compose de six ovales concentriques de poteaux verticaux, entourés d'un talus et d'un fossé, qui ont été construits pour s'aligner avec le lever du soleil à certaines dates de l'année (solstices).
Pour aller plus loin : "Stonehenge et sa Pierre d'Autel : signification d'origines lointaines" un article scientifique en anglais, publié le 31 décembre 2024 par une équipe pluridisciplinaire (archéologie, géologie, géographie) autour de l'archéologue Mike Parker Pearson - M., Bevins, R., Bradley, R., Ixer, R., Pearce, N. and Richards, C. ‘Stonehenge and its Altar Stone: the significance of distant stone sources’. Archaeology International, 2024, pp. 113–37 (ICI).
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