80 ans après la libération de Buchenwald
- Nadia Mevel
- il y a 22 heures
- 4 min de lecture

Les premiers prisonniers - Juifs, Roms, homosexuels et prisonniers de guerre soviétiques - ont commencé à arriver à Buchenwald à l'été 1937. En 1945, quelque 340.000 personnes avaient été envoyées dans le camp, qui fut libéré le 11 avril 1945.
Photo Martin Schutt/ZB/picture alliance
80e anniversaire de la libération de Buchenwald. En Thuringe, où était situé ce camp nazi, l'AfD, arrivé en tête des dernières élections régionales (avec le soutien d'Elon Musk) s'oppose à une "culture de la mémoire". Face à un tel révisionnisme, restent heureusement les livres de Primo Levi, disparu il y a 40 ans. Malgré tout, c'est le printemps (en haikus)
Ephémérides
« Nous ne sommes plus que très peu nombreux. Bientôt, nous vous passerons définitivement le relais de la mémoire. Ce faisant, nous vous confions une responsabilité historique ». A 92 ans, Naftali Fürst est l'un des derniers survivants de l'Holocauste. Il y a tout juste 80 ans, le 11 avril 1945, les soldats de la 6e division blindée de la 3e armée américaine libéraient le camp de concentration de Buchenwald, révélant au monde l’ampleur de la barbarie nazie, avec la découverte de milliers de corps et de survivants squelettiques. Entre 1937 et 1945, Buchenwald fut l’un des principaux camps nazis. Les premiers prisonniers - Juifs, Roms, homosexuels et prisonniers de guerre soviétiques - ont commencé à arriver à Buchenwald au cours de l'été 1937. En 1945, quelque 340.000 personnes avaient été envoyées dans le camp. Au total, environ 56.000 personnes ont été assassinées à Buchenwald et 20.000 autres à "l'annexe" de Mittelbau-Dora, célèbre pour avoir été un site où les prisonniers ont été forcés de participer à la construction des fusées allemandes V1 et V2. Pour commémorer la libération du camp, ont eu lieu des cérémonies le week-end dernier. « Revenez toujours à cet endroit, à Buchenwald, où la civilisation a été réduite à néant. Restez vigilants en notre nom et en notre mémoire », a ajouté Naftali Fürst.
« Les certitudes des décennies d'après-guerre (...) sont devenues fragiles », s'inquiète Jens-Christian Wagner, l'historien qui dirige la Fondation des mémoriaux de Buchenwald et de Mittelbau-Dora. En Thuringe, où est situé Buchenwald (à quelques kilomètres de Weimar), l'AfD (soutenue par Elon Musk) est arrivé en tête des dernières élections régionales, avec plus de 30% des suffrages. Le parti d'extrême-droite est hostile à l'idée d'une « culture de la mémoire », a déjà minimisé le passé nazi de l'Allemagne et exhorte la société à tourner la page et à oublier cette partie de l'Histoire.

Primo Levi. Photo DR
Il y a exactement 40 ans, le 11 avril 1985, disparaissait Primo Levi. Survivant de la Shoah, il ne fut pas interné à Buchenwald (contrairement à Imre Kertész, Marcel Dassault, Jorge Semprun, Élie Wiesel ou encore Stéphane Hessel) mais à Auschwitz-Monowitz, un camp satellite d'Auschwitz. Il a toutefois visité le camp de Buchenwald en 1954 lors des commémorations du neuvième anniversaire de sa libération. Et son concept de zone grise, qui analyse les relations complexes entre victimes et bourreaux dans des systèmes totalitaires, trouve un écho particulier dans l'histoire de Buchenwald, où certains prisonniers ont été contraints de collaborer avec leurs oppresseurs pour survivre. « Buchenwald en a constitué le laboratoire le plus achevé », écrit l'historienne Sonia Combe dans Une vie pour une autre, formidable ouvrage édité par Fayard en 2014 (ICI)
Et le surréalisme dans tout ça ?
Deux ans après la libération du camp de Buchenwald, le 11 avril 1947, Tristan Tzara donne à la Sorbonne une conférence intitulée Le Surréalisme et l'après-guerre, qui sera ultérieurement publiée par les éditions Nagel. Tzara, qui jugeait le surréalisme insuffisamment engagé dans les luttes sociales et politiques, avait rejoint le Parti Communiste Français. Lors de sa conférence, Tzara reproche au surréalisme son incapacité à répondre aux exigences historiques de l'après-guerre. Il défend l'idée d'une poésie et d'un art liés à l'action politique révolutionnaire, affirmant le principe de « l’interdépendance de l’action et de la pensée révolutionnaire ».
En pièces détachées
En attendant le pigeon
Le moteur est en réparation, ainsi que l'embrayage. Il faut aussi trouver l'équilibre entre l'accélérateur et le frein. En conséquence de quoi, ce journal du jour (et les "pièces détachées" qui le composent feront relâche ce week-end, pour un retour que l'on espère printanier lundi 14 avril, jour du pigeon (l'oiseau) dans le calendrier républicain / révolutionnaire français.
Visage du jour

Florence Lazar. Photo DR
Les films documentaires de Florence Lazar, réalisatrice et plasticienne française, construisent des narrations dans lesquelles se déploient les récits subjectifs face à l’autorité de l’Histoire. Ses œuvres s’attachent à révéler l’émergence d’une parole, les gestes d’un individu dans un contexte géographique et social particulier. Le recours à l’enquête historique et la notion de transmission de l’histoire sont les vecteurs de son travail.
Pour rappel, son documentaire Tu crois que la terre est chose morte, qui explore les lieux de résistance à la crise environnementale et sociale causée par la chlordécone en Martinique, est présenté ce soir, en présence de Florence Lazar et en partenariat avec les humanités, au cinéma Arevi à Saint-Yrieix (Haute-Vienne) dans le cadre du festival Horizon vert (voir ICI).
Poèmes du jour

Haikus du printemps
(extraits de Corinne Atlan et Zéno Bianu, Anthologie du poème court japonais, Poésie / Gallimard, 2002 ; et de Haïku du XXe siècle, Le poème court japonais d’aujourd’hui, Poésie/Gallimard, 2007).
Sur le sable du rivage
à chaque trace de pas
le printemps s’allonge
Masaoka Shiki (1867-1902)
Douceur du printemps –
aux confins des choses
la couleur du ciel
Iida Dakotsu (1885-1962)
Une journée sans un mot –
j’ai montré
l’ombre d’un papillon
Ozaki Hôsai (1885-1926)
Bras croisés
le printemps médite
sur la vitesse des racines amères
Fuyuno Niji (1943-2002)
Allons dehors Là,
la douce lune printanière
Sa lumière nous couvre
Matsuyama Teitoku (1571-1654)
Sous les fleurs de cerisier
grouille et fourmille
l’humanité
Kobayashi Issa (1763-1827)
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